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Elle s'appelait Marie, Chapitre 9

Publié le par Marie-Françoise Saulue-Laborde

 

 

Amélie, l’autre employée de l’hôtel, observait « la gamine » du coin de l’œil, tâchant de ne pas se faire remarquer.

Quand la patronne, Madame Anna, lui avait annoncé que la nièce de Monsieur Vincent viendrait l’aider, elle n’en avait pas été enchantée. Qu’est-ce que c’était que cette gamine qu’on lui mettait dans les pattes ? D’abord, est-ce qu’elle avait demandé une aide ? Est-ce qu’elle s’était plainte d’avoir trop à faire ? Non, non et non ! Elle n’avait que faire d’une gamine, sûrement gâtée. Et si c’était pour avoir une deuxième Madame Anna sur le dos, merci bien !

Alors, elle avait décidé de lui mener la vie dure pour qu’elle finisse par s’en aller.

En l’aidant même de quelques « bons conseils » et de crasses bien calculées. Parce que, elle, Amélie, elle se trouvait très bien dans cet hôtel. C’était un travail dur, mais c’était le sien. Pas question qu’une mijaurée le lui vole. Les patrons ? Oh ! une fois qu’on s’était habitué au caractère de Madame Anna, il n’y avait rien à dire : ils étaient justes.

C’est qu’elle n’avait pas eu la vie facile, Amélie. Et cette place, c’était ce qui lui était arrivé de mieux.

Amélie, c’était une petite femme mince, d’une vingtaine d’années, noiraude, aux cheveux noirs et frisés et de grands yeux brillants, toujours à l’affût. De quoi ? de tout.

Sa famille vivait au pied des montagnes dans une petite maison, vieille et sans confort avec leurs 6 enfants. L’école, c’était quand elle pouvait, si aucun petit frère n’était malade, si sa mère n’avait pas besoin d’elle. Très vite, elle avait filé à la ville dans l’espoir d’une « bonne place ». Mais elle n’avait trouvé que des boulots de misère et des fiancés qui la quittaient sans prévenir. L’un d’eux lui avait laissé un joli souvenir : une petite fille, Elisabé, que gardait sa mère, là-bas. Tous les mois, elle courait lui porter l’argent gagné et quelques douceurs, et cajoler son Elisabé. Alors, non elle ne se laisserait pas enlever cette place. Non, non et non !

Donc, elle observait « la gamine », l’ennemie, mine de rien. Elle l’avait vue se débattre avec les seaux des chambres, elle voyait qu’elle était terrorisée par les hommes dans la salle et par Madame Anna. Eh bien quoi ? Est-ce qu’on l’avait aidée, elle ? Non ! Alors, qu’elle se débrouille pour y arriver. Et elle redressait sa petite taille, relevait la tête, et passait en reniflant avec dédain. Non mais !

Cependant, car, elle n’était pas si mauvaise, Amélie, ça la gênait un peu…

Elle était bien obligée de reconnaître que « la gamine » n’était pas paresseuse. Elle s’acquittait de toutes ses tâches (et même celles qu’elle lui refilait en plus, en douce) sans broncher, elle travaillait vite et bien. Oui et alors ? Je ne vais pas me laisser attendrir, non plus ?

Oui, Marie était dure à la tâche, et elle ne se plaignait jamais. Elle pleurait. Le soir, toute seule dans sa chambre. Amélie l’entendait à travers la cloison. Et elle soupirait. Bon, elle va s’y faire. Ou bien elle s’en ira. Et elle tournait et retournait dans son lit.

Et si elle changeait, elle ? Peut-être qu’il était temps de lui tendre la main. Peut-être qu’elles pourraient s’entraider, et avoir chacune un peu moins à faire ? Quoique Madame Anna ne tarderait pas à leur trouver quelques bricoles supplémentaires. Justement, Madame Anna, elles pourraient lui faire face, à deux… Après tout, elles avaient presque le même âge.

Cela demandait réflexion. Amélie se donna quelques jours. Voyons voir. Tiens, jusqu’à la fin de la semaine prochaine, et je crois que j’ai une fameuse idée ! Oui, jusqu’à la semaine prochaine. Et je me sentirai mieux.

 

©Marie Célanie

 

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