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Pensées pour Alain Gioeni

Publié le par Marie-Françoise Saulue-Laborde

Pour nous il fut d’abord Monsieur Gioeni, professeur de trompette de notre fils aîné, au Conservatoire de Puteaux.

A cette époque-là, le Conservatoire de Puteaux était situé dans les salles du Vieux Moulin. Enfin, le Moulin et ses ailes trônait dans le parc du même nom et les cours avaient lieu dans un bâtiment à côté.

Monsieur Gioeni était alors un tout jeune professeur. Il se prit de sympathie pour l’adolescent, sûrement doué, mais encore plus sûrement peu enclin à travailler son instrument (ne parlons pas du solfège qui ne s’appelait pas encore « formation musicale ») et chercha des solutions pour maintenir son intérêt. L’affection était réciproque et il n’était pas question d’arrêter la trompette.

On en vint, finalement, à des cours particuliers, hors du cursus du conservatoire, pour trouver le plaisir de jouer.

Monsieur Gioeni venait chez nous avec son sourire, son accent qui nous parlait du sud, sa trompette et son obstination à obtenir des résultats. Il cherchait et créait des arrangements sur des morceaux qui pouvait plaire à son élève. Et petit à petit, autour d’un café, d’un verre de vin ou d’un ti punch, Monsieur Gioeni devint Alain. Nous parlions de tout, de musique, de nos vies, curieusement jamais de politique ou de cuisine…

Alain est devenu un ami, un familier, même après l’arrêt des cours de trompette.

Quand la petite sœur a voulu commencer la musique, nous avons dit, d’une seule voix : « NON » non, on ne recommence pas à surveiller si les devoirs sont faits, si les exercices ont été répétés, on ne se met pas au piano pour encourager les musiciens en herbe ; Non et non !

Mais Alain passa par là. Elle ferait sa première année de solfège tout en étudiant la flûte à bec avec lui (oui, il enseignait la flûte à bec, aussi) avant de commencer le piano, et tout irait bien. Toujours avec son grand sourire, en remontant ses lunettes de son index.

Ce qui fut fait.

Elle n’étudia jamais le piano.

L’élève trouva d’un coup son instrument et le professeur son élève.

La flûte à bec la suivait partout. Et une connivence solide s’installa entre la petite fille et son professeur.

Nous suivions de loin les aventures musicales d’Alain. On ne comprenait pas tout, mais on l’écoutait et on partageait ses enthousiasmes, ses élans, ses obstinations.

C’était notre ami.

La vie a passé, a entraîné des séparations.

Nous avons connu et aimé Josée qui lui amenait tant d’amour.

Notre fille abandonna les études dites sérieuses pour la musique. Et quand, un peu inquiète, j’allai questionner Alain sur l’avenir d’une flûtiste à bec, il s’écria « Mais si, il y a un répertoire et pas seulement en musique baroque ! On peut tout jouer avec une flûte à bec ! » Dont acte.

La vie a passé. Un jour de vacances dans un autre pays, un coup de téléphone. Une annonce tragique : Josée venait de mourir.

Alain ne fut plus jamais le même.

Il resta dans nos vies, nous nous croisions dans les rues de Puteaux, bien qu’il soit parti depuis plusieurs années, déjà dans sa maison loin de tout.

Les contacts devenaient rares. C’est la vie, comme on dit.

Alain vient de nous quitter. Nous étions à ses obsèques samedi 5 mars 2022. En regrettant d’avoir laissé la vie passer.

C’était un ami parmi les meilleurs, un musicien superbe, un homme bien.

Pas de « repose en paix », pas de « il a enfin trouvé la paix », pas de tous ces mots que l’on dit par habitude.

Nous sommes tristes de t’avoir perdu, Alain. Voilà tout.

Mais ton souvenir reste en nous. Pour toujours.

 

Vaya con Dios, amigo !

 

©Marie Célanie

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