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DES ÉPINARDS

Publié le par Marie Célanie

A la fin de l'hiver, les maraîchers n'ont souvent plus grand-chose à nous proposer.

 Lassés des choux, des raves et des pommes de terre, nous aspirons à du nouveau, du frais, du verdoyant, du goûteux, du craquant, du croquant...

Et quand enfin ils arrivent, les primeurs, nous serions prêts à nous jeter sur tout et n'importe quoi.

Voilà pourquoi, un matin du mois d'avril, je me suis retrouvée, à la sortie du marché, avec des pousses d'épinards fraîches, vertes, encore humides, cueillies de la veille, m'a-t-on assuré. Parfait, des épinards.

Les épinards, c'est un mystère. Personne n'aime ça. Si, si. Soyez honnête, vous non plus vous n'aimez pas ça.

"On mange quoi?" "Des épinards "  "Ah, ben, j'ai pas trop faim" Quand ce n'est pas carrément "Beurk! Mais pourquoi des épinards, j'aime pas ça"

Je dois reconnaître que je n'en raffole pas non plus. C'est un des nombreux légumes que j'ai découverts très tard et que j'ai eu beaucoup de mal à apprivoiser et à cuisiner.

Et mystère plus grand encore: j'en achète dès que j'en trouve au marché. Allez comprendre!

Donc des épinards.

Là, sur mon plan de travail.

Et l'épinard n'est pas modeste : il occupe l'espace, c'est un volume.

Que faire, mais que faire de ces épinards?

Les laver et les trier, d'abord. Pas une mince affaire.

Oui, car l'épinard se mérite, il lui faut des soins.

Remplir l'évier d'eau froide avec du vinaigre blanc, y plonger les épinards et les brasser en douceur: il faut les débarrasser de toute trace de terre et d'éventuelles limaces, mais sans les abîmer. Les rincer 3 fois, à l'eau claire et fraîche (oui 3 fois et pas d'eau chaude ou tiède, froide)C'est fragile l'épinard, n'allez pas cuire les feuilles , vous gâcheriez tout!

Eliminer toutes les feuilles  qui ne me plaisent pas et les essorer délicatement entre deux torchons. puis couper les tiges (cuites dans de la crème fraîche et mixées, elles font une sauce délicieuse, mais ceci est une autre histoire)

Il faut alors les faire cuire dans une casserole qui n'est jamais assez grande et dont ils débordent joyeusement, sans rien d'autre qu'une gousse d'ail écrasée.

Sur feu doux (l'épinard, c'est tout en douceur), remuer....doucement et délicatement; pas la peine d'avoir des épinards entiers pour en faire de la purée!

Finalement, les épinards fondent, et il ne reste qu'un petit tas au fond de la casserole. Il faut les égoutter pour (comme disent les magazines de cuisine) éliminer leur eau de végétation.

Et le problème reste entier. J'en fais quoi? Mais j'en fais quoi?

Dans ces cas-là, je prends mon courage à deux mains et je consulte.

D'abord le contenu de mon placard et du réfrigérateur.

Ensuite la bibliothèque de cuisine. Et quand j'ai besoin d'idée pour cuisiner les légumes, je me plonge dans les recettes indiennes. C'est une mine et j'y trouve toujours des solutions savoureuses.

Réunissez de l'huile d'olive, une échalote et même deux, 1 gousse d'ail,(j'ai appris dernièrement qu'en espagnol une gousse d'ail se disait une dent d'ail, c'est assez bien vu, je trouve) 1 petite tomate (pas cerise, quand même),du citron confit, du lait de coco, des amandes mondées, des abricots secs, du riz, du bouillon de volaille, du safran et du colorant pour paella. Et un peu de coriandre fraîche si vous en trouvez.

Faites blondir les échalotes hachées dans l'huile d'olive chaude; quand elles commencent à lâcher leur parfum, et qu'elles sont transparentes, ajoutez l'ail haché et les épinards, en remuant, puis l'écorce émincée du citron confit et enfin la tomate coupée en petits morceaux. Laisser cuire jusqu'à ce que le tout forme une sauce épaisse et parfumée.

Pendant ce temps, faites griller les amandes à sec dans une poêle antiadhésive et avant qu'elles ne brûlent, ajoutez-les au mélange précédent avec les abricots secs coupés en morceaux (vous pouvez, si vous le souhaitez les faire gonfler dans le bouillon de volaille chaud, mais ce n'est pas indispensable), sel et poivre, et le lait de coco.(le lait de coco peut être supprimé)

On peut alors ajouter le riz avec quelques pistils de safran et le colorant jaune. Mouillez avec le bouillon de volaille ( ou avec de l'eau)et laisser cuire à couvert le temps qu'il faudra. Pour servir, parsemez  la coriandre hachée sur le plat.

On obtient un savoureux mélange où les épinards ont toute leur saveur mêlée autres ingrédients et une consistance qui va du moelleux au croquant.

Un jus de citron une goutte ou deux de piment, chaud ou froid, avec une viande ou du poisson...

Bon appétit!

 

©Marie Célanie

 

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INACCESSIBLE

Publié le par Marie Célanie

Il n'en croyait pas ses yeux.

Elle était là.

De l'autre côté de la rue, assise à la terrasse d'un café.

Un manteau beige jeté négligemment sur une chaise, un feutre de même couleur sur une autre, un sac rouge posé sur la table, devant elle.

Elle buvait un café.

Elle avait si peu changé!

Il l'aurait reconnue entre mille.

Oui, c'était bien elle. Il en était sûr.

Que pouvait-elle bien faire ici, dans cette petite ville de province?

Il se souvenait.

Elle ne souhaitait qu'une chose, autrefois,

Partir.

Quitter ce bled perdu, ce lycée pourri et les ploucs qui l'entouraient,

et dont il faisait partie.

Il y avait combien de temps? 40 ans?

Et bac en poche, elle avait disparu. Plus personne ne l'avait revue.

A vrai dire, à part lui, personne ne l'avait regrettée et elle avait été bien vite oubliée.

Il se souvenait.

Sa timidité maladive le paralysait.

Il se vivait laid, gauche, sans intérêt. Et sans doute l'était-il.

Il n'aimait ni son visage, ni son corps.

Cachant l'un sous une longue mèche de cheveux, l'autre sous la blouse réglementaire.

Il se noyait dans la lecture et dans le sport.

Se passionnait pour le foot, où il était dramatiquement mauvais, mais incollable : il savait tout des joueurs, des clubs, des entraîneurs.

Il pouvait en discuter pendant des heures, épuisant tous les copains.

Il se souvenait.

D'elle, de son attitude hautaine.

Elle ne s'attachait à personne et personne ne s'attachait à elle.

Les amours des unes et des autres, si cachées qu'elles fussent, tout le monde finissait par être au courant.

Qui sortait avec qui, mais elle ne sortait avec personne: pas de petit ami.

Rien.

Les filles disaient qu'elle recevait beaucoup de courrier.

Et c'est tout.

Le samedi, elle quittait l'internat pour rentrer chez elle.

Revenait le lundi matin.

Ce qui s'était passé entre, elle n'en parlait pas.

Il se souvenait.

Dès qu'il l'avait vue arriver dans sa classe, il en était tombé éperdument amoureux.

Il la contemplait pendant les cours,

se contentant de la voir,

de vivre dans le même espace qu'elle.

Il l'admirait:

c'était une élève brillante.

Quoique,

parmi eux, n'importe qui l'eût été, brillant.

A leur différence, elle s'intéressait à ce qu'elle apprenait.

Travaillait et aimait son travail.

posait des questions,

n'hésitait jamais à interpeller les professeurs.

Elle avait réveillé leur classe médiocre et les professeurs, endormis dans leur routine, en avaient été légèrement secoués et agacés.

On la jalousait.

"Non, mais! Elle se prend pour qui?"

Elle ne semblait pas s'en apercevoir.

Il rassemblait tout ce qu'il pouvait apprendre sur elle,

questionnant les copines.

"mais tu es amoureux, ou quoi?"

"Non, non! Tu penses bien que non! je me demandais, c'est tout"

Il rêvait d'elle jour et nuit.

Elle l'accompagnait partout, fantôme familier.

Elle devenait son idéal.

La femme idéale.

Elle brillait,

juchée sur un piédestal,

semblable à une antique idole païenne,

dorée,

magnifique,

Intouchable.

Il ne tenta jamais de l'approcher.

Quitta le lycée,

partit comme les autres entamer des études,

travailler.

Il connut d'autres filles, d'autres femmes,

tomba amoureux,

se maria.

Mais, elle restait dans sa mémoire.

Et aujourd'hui, elle était là.

De l'autre côté de la rue.

Un peu vieillie, mais inchangée.

C'était elle, il en était sûr.

Il ne voyait qu'elle: une femme élégante, assise à la terrasse d'un café.

Il resta longtemps ainsi, puis il se décida à traverser et à s'approcher,

lentement.

"Excusez-moi"

Elle releva a tête en haussant les sourcils,

et il eut un coup au cœur :

C'était ce mouvement là,

il la revoyait dans la cour, quand on l'appelait,

se retournant en haussant les sourcils,

un sourire poli et froid sur les lèvres.

"oui?"

le sourire poli et froid

était là, aussi glacial qu'autrefois;

"Excusez-moi. J'ai l'impression de vous connaître. Vous n'étiez pas en terminale littéraire, au lycée de La Ferrière?"

"Mon dieu! Que c'est loin! Qui êtes-vous?"

"Antoine. Antoine Lebeau"

"Ca ne me dit rien. Je ne me souviens pas. Excusez-moi, je suis attendue. D'ailleurs, je partais"

En effet, elle partait.

Elle avait remis son manteau, son chapeau, pris son sac.

Soudain, elle se retourna;

Lui sourit largement,

d'un sourire radieux,

et l'embrassa doucement sur la joue

"Au revoir, Antoine"

Il la vit monter dans une voiture

et disparaître.

Il lui restait une caresse sur la joue,

un parfum fleuri qui flottait à sa suite.

C'était bien elle.

Tant mieux si elle ne voulait pas le reconnaître.

C'est comme ça qu'il l'aimait.

Qu'il l'avait toujours aimée.

Inaccessible.

 

©Marie Célanie

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