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Elle s'appelait Marie Chapitre 8

Publié le par Marie-Françoise Saulue-Laborde

Orthez, le 30 octobre

Ma petite Marinette,

Quelle tristesse ce que tu m’écris ! Comme j’aimerais pouvoir être à tes côtés pour te réconforter, te consoler. Comme lorsque nous étions petits !

Laisse-moi te dire ce que je pense : tu devrais quand même en parler aux parents ; Ils ont besoin d’argent, oui, mais pas au prix de ton chagrin. Réfléchis-y. je crois que tu viendras à la maison pour Noël, c’est encore loin, mais à ce moment-là, il faudra en parler. Je serai là et je t’aiderai. D’ici là, peut-être que certaines choses se seront arrangées ? Qui sait ?

Je sais que ton travail est dur et je devine que tu n’aimes pas beaucoup ce que tu fais, et je te comprends. Mais j’aurais pensé qu’auprès de l’oncle et de la tante tu aurais été entourée et protégée. Ce que tu me racontes sur la tante est bien décevant : elle est très différente quand elle vient nous voir. Et je ne comprends pas très bien son attitude : c’est elle qui voulait t’embaucher !

Et je voudrais te dire aussi à propos des hommes qui te regardent salement. Ne te sens pas sale, ce sont eux qui le sont. Reste fière de ce que tu es. Garde la tête haute ! Enfin, je suppose que c’est plus facile à dire qu’à faire !

Je ne t’en ai jamais parlé, mais surveiller les études et les dortoirs ce n’est pas drôle non plus ! (et ils sentent mauvais aussi)

Les petits font beaucoup de bruit, chahutent, pleurent aussi parce qu’ils sont loin de chez eux. Et les grands ne sont pas très gentils avec moi, ils me traitent de paysan et se moquent de mon accent ! Et je dois me fâcher pour me faire respecter. Et je n’ai pas beaucoup de temps pour travailler, surtout en latin. Mais ça permet aux parents de ne pas payer le collège. Alors je supporte, moi aussi. Que faire d’autre ?

Ma petite Marinette, je joue au grand frère et je te donne des conseils comme une vieille grand-mère ! C’est que je me fais du souci pour toi. Et je ne sais pas ce que tu peux faire d’autre, ma pauvrette ! J’espère seulement que tu vas trouver du mieux : où, quand, comment, je ne sais pas, mais je te le souhaite.

Si seulement tu pouvais aller un peu te promener, je sais qu’il y a de beaux jardins et des fêtes foraines de temps en temps. Imagine-toi en train de tirer à carabine pour gagner une peluche ! et en train de manger une pomme d’amour !

Tu sais, moi aussi je pense aux vaches. Ne t’en fais pas, elles seront là quand tu reviendras !

Ma petite Marinette, je t’embrasse très fort. Ne perds pas courage !

Ton grand frère

Pierre

 

 

Marie lut et relut la lettre de son frère, puis la rangea soigneusement dans le tiroir de sa table de nuit.

Bien sûr il ne pouvait rien lui dire d’autre que ce qu’elle savait déjà. Mais, de le lire, elle se sentait mieux, un peu moins seule.

Elle allait essayer encore. Jusqu’à Noël. Oui, c’était une bonne idée, jusqu’à Noël.

 

©Marie Célanie

 

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